Raymond QUENEAU (1903-1976)
Extrait de Exercices de style
A 12h17 dans un autobus de la ligne S, long de 10 mètres, large de 2,1, haut de 3,5, à 3km600 de son point de départ, alors qu’il était chargé de 48 personnes, un individu de sexe masculin, âgé de 27 ans 3 mois 8 jours, taille 1m72 et pesant 65 kg et portant sur la tête un chapeau haut de 17 centimètres, dont la calotte était entourée d’un ruban long de 35 centimètres, interpelle un homme âgé de 48 ans 4 mois 3 jours, taille 1m68 et pesant 77 kg, au moyen de quatorze mots dont l’énonciation dura 5 secondes et qui faisait allusion à des déplacements involontaires de 15 à 20 millimètres.
Hervé BAZIN (1911-1996)
Poème
Plus par plus donne plus
Les amis de nos amis sont nos amis
Plus par moins donne moins
Les amis de nos ennemis sont nos ennemis
Moins par plus donne moins
Les ennemis de nos amis sont nos ennemis
Moins par moins donne plus
Les ennemis de nos ennemis sont nos amis.
Boris VIAN (1920-1959)
Extrait de En avant la musique
Il y a des racines de tout’ les formes
Des pointues, des rond’ et des difformes
Cell’ de la guimauve est angélique
Il y a une Racin’ qui est classique
Et la mandragore est diabolique
Mêm’ s’il nous bassin’ on n’y peut plus rien
Mais la racine que j’adore
Et qu’on extrait sans effort-eu
La racin’carrée, c’est ma préférée
Une racine qu’a un aspect louche
C’est cell’ de l’arbre de couche
Le drogué vend son âme
Pour cell’ de l’arbre à cames
Si la racine du manioc a
De quoi fair’ du tapioca
Evitons tout’ not’ vie
(de bouffer) Celle du pissenlit
Il y a des racin’ qui s’vend’ en bottes
Le radis, l’navet ou la carotte
Vous connaissez celle de la bruyère
Dans laquell’ on taille des pip’ en terre
Il y a la racin’ de canne à pêche
Cultivez-la donc, qu’est-ce qui vous empêche ?
Mais la racine que j’adore
Et qu’on extrait sans effort-eu
La racin’carrée, c’est ma préférée.
Raymond DEVOS (1922-2006)
Extrait
Mesdames et messieurs…, je vous signale que je vais parler pour ne rien dire. (…)
Mais, me direz-vous, si on parle pour ne rien dire, de quoi allons-nous parler ?
Eh bien de rien ! De rien !
Car rien… ce n'est pas rien !
La preuve, c'est qu'on peut le soustraire.
Exemple :
Rien moins rien = moins que rien !
Si l'on peut trouver moins que rien, c'est que rien vaut déjà quelque chose !
On peut acheter quelque chose avec rien !
En le multipliant !
Une fois rien… c'est rien !
Deux fois rien… ce n'est pas beaucoup !
Mais trois fois rien !… Pour trois fois rien, on peut déjà acheter quelque chose… et pour pas cher !
Maintenant, si vous multipliez trois fois rien par trois fois rien :
Rien multiplié par rien = rien.
Trois multiplié par trois = neuf.
Cela fait : rien de neuf.
Oui… Ce n'est pas la peine d'en parler !